L’art de négocier avec la méthode Harvard en PDF
Il y a deux façons extrêmes de voir la négociation, cette activité inhérente à tout rapport humain que nous effectuons quotidiennement et souvent intuitivement sans prendre le temps d’y réfléchir. On peut l’envisager comme un bras de fer, où le plus fort, le plus rusé l’emporte, au détriment de son adversaire. On peut, au contraire, la considérer comme un processus d’échange, une opportunité pour imaginer et construire ensemble des solutions qui donnent aux deux protagonistes, même de façon inégale, un sentiment de satisfaction. Ils se sentiront ainsi encouragés à améliorer leur relation et à la poursuivre. Il suffit d’y penser un instant : chacun de nous peut aisément se remémorer de multiples situations, que ce soit dans la sphère professionnelle ou privée. Qui n’a pas eu à affronter des pressions (guerre des nerfs), des abus d’autorité ou de pouvoir ? Qui n’a pas été victime du bluff, de la roublardise et autres manœuvres d’intimidation ou de manipulation ? Contraints de céder, il nous est arrivé d’en garder un goût amer et de nous promettre de ne plus nous laisser prendre. Petit à petit s’installe une perception conflictuelle de la négociation, qui finit par façonner un comportement fondé sur la méfiance a priori , la réactivité, et la crispation sur ses intérêts égoïstes. La négociation se réduit alors quasiment à un rapport de force. On imagine sans peine les dégâts que peut causer pareille attitude lorsque survient une négociation à enjeu fort concernant nos proches, notre carrière, un enjeu stratégique pour l’entreprise où nous évoluons ou pour le groupe auquel nous appartenons. Peut-on échapper à cette dérive ? Comment éviter les pièges de l’intuitif ? Et si la « force » en négociation, c’était autre chose ? Le « petit » ou le « faible » peut-il négocier ? Cela fait bientôt trente-cinq ans que de nombreux travaux, observations, analyses de cas et réflexions théoriques sont consacrés à la négociation, devenue une discipline reconnue du management. Initiés pour l’essentiel autour du pôle de Cambridge (ÉtatsUnis) constitué par les universités de Harvard, Tufts et le MIT, et ayant essaimé un peu partout aux États-Unis et dans le monde, ces travaux ont contribué à élaborer une démarche normative, un « modèle » plus qu’une théorie, que l’on retrouve dans la plupart des ouvrages marquant une avancée dans la réflexion. La négociation est-elle une science ou un art ? La réponse est mitigée. La négociation a ses règles, ses techniques, ses méthodes, ses constantes et ses variables. Elle est un processus et possède donc une dynamique propre. Mais elle est aussi le champ d’interactions entre individus dotés d’affects et de valeurs. Elle offre de ce fait des opportunités d’improvisation, de créativité et d’inspiration comme c’est le cas pour la plupart des disciplines d’art. Pour chacun d’entre nous, c’est une compétence de vie. Qu’on le veuille ou non, depuis les premiers instants d’une vie, et tout au long de celle-ci, nous tentons d’obtenir, pour nos aspirations et désirs, des accommodements avec les contraintes de notre environnement social et matériel. Si nous n’y parvenons pas, c’est l’ordre imposé – l’ordre social ou la justice – qui y pourvoira. Nous devons donc sans cesse améliorer notre capacité – ou notre compétence ? – à négocier, c’est-à-dire à rechercher de façon « coopérative » un accord avec « les autres », de façon à obtenir plus de satisfaction que ce que nous aurions pu obtenir sans négociation. Cette compétence, chacun peut l’acquérir et la développer. Cela passe par deux étapes. La première consiste à prendre le temps de réfléchir avant l’action, en d’autres termes à préparer méthodiquement sa négociation. Quelques questions utiles guideront le négociateur dans sa réflexion. La seconde étape est celle de l’auto-apprentissage, qui consiste – postérieurement à une confrontation – à « dérouler le film » pour analyser les faits, gestes, signaux, comportements, stratagèmes, tactiques observés. Il s’agit ici de les décrypter et d’ajuster en retour les parades et réponses appropriées. Avec la pratique accumulée, le négociateur réalisera bientôt qu’il est capable de décoder en temps réel, et donc de tirer parti des moments propices pour reprendre la main, réinstaller le rapport de force en sa faveur, ou improviser des recherches conjointes de solutions inenvisageables a priori . C’est ainsi qu’il développera sa résilience, mécanisme de défense conscient et évolutif. Et ce savant dosage d’altruisme, de contrôle des affects et de maîtrise du processus de négociation l’aidera à obtenir l’essentiel en proposant aux autres des réponses acceptables. Les développements qui suivent proposent au lecteur soucieux de mieux négocier en toutes circonstances de : revisiter les invariants, les dynamiques et les étapes du processus de négociation, pour acquérir éventuellement des compétences nouvelles ; assimiler ces compétences par la pratique, en commençant par les intégrer dans la réflexion préalable ; toujours revenir aux fondamentaux, en combinant le « raisonné » et la méthode avec l’intuitif. Les textes et explications ont été limités au nécessaire, et une large place a été donnée aux exemples tirés des réalités de la vie, ainsi qu’aux tableaux et check-lists constituant des guides pratiques de travail. Le lecteur pourra ainsi se familiariser avec ces outils à l’occasion de toute négociation, et en mesurer par lui-même l’utilité.