INTRODUCTION
Je n’ai pas d’espoir de sortir par moi-même de ma solitude. La pierre n’a pas d’espoir d’être autre chose que pierre, mais en collaborant elle s’assemble et devient Temple.
ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY
J’étais un avocat gentiment et très poliment déprimé et démotivé. Aujourd’hui, j’anime avec enthousiasme conférences, séminaires et entretiens d’accompagnement. J’étais un célibataire terrifié par l’engagement affectif, comblant sa solitude par l’hyperactivité. Aujourd’hui, je suis marié, père et comblé. Je vivais dans une tristesse intérieure bien dissimulée mais constante, je me sens aujourd’hui empli de confiance et de joie.
Que s’est-il passé?
J’ai pris conscience qu’en ignorant mes propres besoins depuis longtemps je me faisais violence et que j’avais tendance à reporter cette violence sur la tête des autres. J’ai accepté que j’ai des besoins, que je peux les écouter, les différencier, établir entre eux des priorités et en prendre soin moi-même plutôt que de me plaindre du fait que personne ne s’en occupe. Toute l’énergie que je consacrais auparavant à me plaindre, à me révolter et à être nostalgique, je l’ai ainsi petit à petit rassemblée, recentrée pour la mettre au service de la transformation intérieure, de la création et de la relation. J’ai également pris conscience et accepté que l’autre a lui aussi des besoins, et que je ne suis pas forcément la seule personne compétente et disponible pour les satisfaire.
Le processus de communication non violente a été et continue d’être pour moi un guide éclairant et rassurant dans la transformation que j’ai entreprise et je souhaite qu’il puisse éclairer et rassurer le lecteur dans la compréhension de ses propres relations, à commencer par celle qu’il entretient avec lui-même.
Par ce livre, je veux donc illustrer le processus que Marshall Rosenberg 1 a mis au point dans l’esprit et la ligne de pensée des travaux de Carl Rogers. Les personnes qui connaissent les ouvrages de Thomas Gordon y retrouveront également des notions familières. Je veux ainsi témoigner de ma confiance que si chacun d’entre nous acceptait d’observer sa propre violence, celle qu’il exerce souvent inconsciemment et très subtilement sur lui-même et sur les autres — souvent d’ailleurs avec les meilleures intentions du monde — et prenait soin de comprendre comment elle s’enclenche, chacun de nous se donnerait l’occasion de la désenclencher, de la désamorcer. Chacun pourrait ainsi contribuer à créer des relations humaines plus satisfaisantes entre des êtres humains à la fois plus libres et plus responsables d’eux-mêmes.
Marshall Rosenberg appelle son processus la communication non violente (CNV). J’en parle moi-même comme de la communication consciente et non violente. La violence est en effet la conséquence de notre manque de conscience. Si nous étions intérieurement plus conscients de ce que nous vivons vraiment, nous trouverions avec plus d’aisance l’occasion d’exprimer notre force sans nous agresser mutuellement. Je crois qu’il y a violence dès que nous utilisons notre force non pour créer, stimuler ou protéger mais pour contraindre, que la contrainte s’exerce sur nous-même ou sur les autres. Cette force peut être affective, psychologique, morale, hiérarchique, institutionnelle. Ainsi, la violence subtile, la violence en gants de velours, particulièrement la violence affective, est infiniment plus répandue que la violence qui se manifeste par des coups, des crimes et des insultes, et elle est d’autant plus dangereuse qu’elle n’est pas nommée.